Le réalisme est reconnu comme le premier mouvement moderne dans l’art. Il a rejeté les formes traditionnelles d’art, de littérature et d’organisation sociale comme démodées dans le sillage des Lumières et de la Révolution industrielle.
Qu’est-ce que le réalisme ?
Commençant en France dans les années 1840, le réalisme a révolutionné la peinture, élargissant les conceptions de ce qui constituait l’art. Travaillant dans une ère chaotique marquée par la révolution et le changement social généralisé, les peintres réalistes ont remplacé les images idéalistes et les conceptions littéraires de l’art traditionnel par des événements de la vie réelle. Ils donnent ainsi aux marges de la société le même poids que les grandes peintures et allégories historiques. Leur choix d’intégrer la vie quotidienne dans leurs toiles était une manifestation précoce du désir d’avant-garde de fusionner l’art et la vie, et leur rejet des techniques picturales, comme la perspective, préfigurait les nombreuses définitions et redéfinitions du modernisme au XXe siècle.
Les idées clés du réalisme
- Le réalisme est largement considéré comme le début de l’art moderne. Littéralement, c’est dû à sa conviction que la vie quotidienne et le monde moderne étaient des sujets appropriés pour l’art. Philosophiquement, le réalisme a embrassé les objectifs progressistes du modernisme, cherchant de nouvelles vérités par le réexamen et le renversement des systèmes traditionnels de valeurs et de croyances.
- Il s’est intéressé à la façon dont la vie était structurée socialement, économiquement, politiquement et culturellement au milieu du 19e siècle. Il en est résulté des représentations inébranlables, parfois « laides », des moments désagréables de la vie et l’utilisation de palettes sombres et terreuses qui confrontent les idéaux ultimes de beauté de l’art supérieur.
- Ce fut le premier mouvement artistique explicitement anti-institutionnel et anticonformiste. Les peintres réalistes se sont attaqués aux moeurs et aux valeurs sociales de la bourgeoisie et de la monarchie sur qui patronnait le marché de l’art. Bien qu’ils aient continué à soumettre des œuvres aux Salons de l’Académie officielle des Beaux-Arts, ils n’étaient pas au-dessus de l’organisation d’expositions indépendantes pour montrer leur travail de manière provocante.
- Après l’explosion de l’impression de journaux et des médias dans le sillage de la révolution industrielle, le réalisme a apporté une nouvelle conception de l’artiste comme autopubliciste. Gustave Courbet, Édouard Manet et d’autres ont délibérément courtisé la controverse et utilisé les médias pour rehausser leur célébrité d’une manière qui continue encore aujourd’hui parmi les artistes.
Les artistes du réalisme
Les œuvres d’art ci-dessous sont les plus importantes dans le Réalisme. Ils donnent à la fois un aperçu des idées majeures du mouvement, et soulignent les plus grandes réalisations de chaque artiste dans le Réalisme.
Rue Transnonain, le 15 Avril 1834 (1834)
Artiste : Honoré Daumier
Description et analyse de l’œuvre d’art : Avant même que le réalisme ne devienne une tendance cohérente dans les années 1840, les estampes et les caricatures de Daumier s’intéressaient aux injustices sociales qui allaient marquer les œuvres de Courbet et d’autres. L’insurrection contre la monarchie de Louis Philippe Ier atteint un point d’ébullition en avril 1834, et un policier est tué lors d’une émeute dans un quartier populaire. En représailles, les forces gouvernementales ont brutalement massacré les habitants de l’immeuble où le tueur se cachait. Dans la rue Transnonain, Daumier a révélé l’excès du gouvernement avec une image émotionnellement provocante montrant les conséquences de la réaction manifestement disproportionnée du gouvernement, centrée sur le cadavre d’un civil désarmé gisant sur le corps de son enfant mort. Cet imprimé d’actualité, direct des gros titres, dénonçant la monarchie, participe à l’assaut du réalisme contre les structures traditionnelles du pouvoir.
Un enterrement à Ornans (1849-50)
Artiste : Gustave Courbet
Description et analyse de l’œuvre d’art : Avec A Burial at Ornans, Courbet s’est fait un nom synonyme du jeune mouvement réaliste. En représentant un simple service funéraire rural dans sa ville natale, Courbet a accompli plusieurs choses. Tout d’abord, il a peint un sujet banal avec des inconnus (chaque participant reçoit un portrait personnalisé) sur une échelle traditionnellement réservée à la peinture d’histoire. Deuxièmement, il évita toute valeur spirituelle au-delà du service ; le tableau, souvent comparé à l’enterrement du comte Orgaz d’El Greco (1586), laisse de côté la représentation du Christ et du ciel d’El Greco. Troisièmement, le portrait de Courbet a montré aux visiteurs du Salon de Paris leurs nouveaux égaux politiques dans le pays, car la Révolution de 1848 avait instauré le suffrage universel masculin. D’un point de vue artistique, Courbet a légendairement déclaré : « Un enterrement à Ornans était en réalité l’enterrement du romantisme », ouvrant un nouveau style visuel pour un monde de plus en plus moderne.
Les Brise-pierres (1849-50)
Artiste : Gustave Courbet
Description et analyse de l’œuvre d’art : Dans le même Salon de 1850-1851 où il fait des vagues avec A Burial at Ornans, Courbet expose également The Stone Breakers. Dans le tableau, qui montre deux ouvriers, un jeune et un vieux, Courbet présente à la fois un instantané réaliste de la vie quotidienne et une allégorie sur la nature de la pauvreté. Si l’image s’inspire d’une scène de deux hommes créant du gravier pour les routes, l’un des métiers les moins payants et les plus éreintants qu’on puisse imaginer, Courbet rend ses personnages sans visage au point de les rendre anonymes pour les plus bas échelons de la société française. On accorde plus d’attention à leurs vêtements de travail sales et en lambeaux, à leurs mains fortes et usées et à leur relation à la terre qu’à leur caractère reconnaissable. Ils sont, cependant, d’une taille monumentale et font preuve d’une dignité tranquille qui correspond à leur volonté de faire le travail invisible et méconnu sur lequel la vie moderne s’est construite.